Rendre la langue VIVANTE et se l’approprier

Désacralisez vos manuels!

 Il arrive que l’on passe des heures entières à parcourir les bouquins, assis sur une chaise, les oreilles alertes et la bouche close. On a bonne conscience et bonne volonté pour apprendre une nouvelle langue. Puis quelques années plus tard, après de longs efforts de MEMORISATION et des exercices grammaticaux à la pelle, vous pensez être prêts, alors vous sautez le pas, vous voyagez vers ces gens qui parlent cette langue.  

D’abord, vous tentez de capter, d’intégrer l’atmosphère culturel, mais il y a comme un mur invisible qui vous empêchent d’y avoir facilement accès. Puis vous tombez sur un enfant de 5ans qui parle bien sûr mieux que vous et a le bulot de corriger vos erreurs. Ensuite, cette frustration s’alourdit : vous ne comprenez pas l’implicite des relations qui se jouent sous vos yeux. Enfin voilà venu le moment, quelqu’un s’approche, s’adresse à toi; je sais que j’ai tout dans la tête, mais à ce moment-là elle me parait vide. Je cherche mes mots, je pense dans ma langue natale, mes neurones s’emmêlent et plus je fais ca, plus je m’éloigne du groupe, je m’en coupe, et quand j’ai enfin trouvé un moyen de dire ce que je veux, la personne est déjà partie. C’est injuste, je pense.

Oui, c’est injuste. Injuste parce que vous avez mis tant d’efforts à la tâche. Et vous vous comparez à un enfant de 5 ans qui a été exposé à la langue 15 000heures. Et vous ? Peut-être 50, 100, 200 heures tout au plus, tout dépend de combien de temps vous avez été effectivement exposé à la langue. Il faut dire que vous avez plutôt passé ce temps d’apprentissage à parler à PROPOS DE la langue,… dans votre langue natale.

L’idéal serait de pouvoir se mettre dans la peau d’un enfant et de boire comme une éponge tout ce qui se présente à nous. Analysons donc leur redoutable technique :

a. Entre 6 et 12 mois, dans cette petite fenêtre de temps, les enfants peuvent entendre des sons d’une nouvelle langue d’une façon que jamais nous ne pourrons plus plus tard. Non sollicitée dans son entièreté, la capacité de reconnaissance sonore se réduit : inutile de laisser des cartons s’accumuler dans un coin poussiéreux de la maison cérébrale, on abandonne ce qui ne nous sert pas.

Bon, ça commence bien, ça nous avance…pour nous, c’est définitivement trop tard…

b. Mais non, écoute la suite:  les enfants n‘ont pas peur de prendre l’initiative, de prendre la parole, de faire des tentatives; ils n’ont pas de sentiment d’échec, de culpabilité, de honte. Au contraire, ils sont dans une logique de progrès continu… (bon, ça c’est avant l’école, après ça se gâte…et il faut avouer que le système scolaire n’arrange rien à l’affaire mais ça…c’est une autre histoire)

c. Enfin, ils disposent d’un temps illimité. Disons que leur perception du temps est différente de la nôtre.

 

Bon, Etant donné que notre temps à disposition à nous est limité, on doit trouver une méthode encore plus efficace que celle des enfants. Allons-y! 

Plonger, plonger, plonger!

Je vais vous conter l’histoire de Gabe Wyner, fondateur de Fluent Forever, qui a un parcours assez symptomatique et vous vous retrouverez sûrement à travers certaines de ses expériences.

A l’école, en classe d’allemand, il recevait un A sur ses bulletins : bon, il réussissait bien ses devoirs et ses tests. Mais…à la fin de l’année, il pouvait juste lire l’alphabet, dire bonjour et se présenter brièvement. Ce n’est pas folichon…Et il a retenu que cette langue n’était pas pour lui.

Puis, quelques années plus tard, à l’université, il a voulu dédier plus de temps à sa passion pour le chant lyrique. Et pour ça, il avait besoin de connaitre l’allemand. Un ami lui a parlé d’un programme par lequel il pouvait obtenir l’équivalent de 2 semestres de crédit en un seul semestre. Il a trouvé ça sympa et s’est inscrit à cette école…mais les règles pour intégrer cette école étaient claires et strictes :  

« si tu parles, écoute ou écris un moindre mot dans une autre langue, expulsé de l’établissement tu seras (sans remboursement). »

Il trouvait  ça amusant et insolite alors il a signé.

Mais comme il ne parlait pas un mot d’allemand, il a arrêté de parler. Puis quelqu’un est venu à lui et lui a dit : « Hallo ich heisse Joshue, wie heisst du ? » et il a répondu « Unnhh ? » alors il a répété et j’ai répondu, en tentant un hésitant : « ich heisse Gabriel ». Et il a appris l’allemand comme ça. 7 semaines plus tard, il pouvait tenir une conversation solide en allemand et il est devenu addict de ce sentiment de penser d’une manière totalement différente.

Il a continué ses études de chants en Autriche, puis a appris l’italien. Puis arrive le moment où il a voulu intégré une école française… Pour entrer, il fallait passer un test de placement pour déterminer ton niveau en langue et si tu es apte à suivre les cours. Tentant le tout pour le tout, il a délibérément triché à ce test d’entrée avec l’aide de google translate et d’un bon manuel de grammaire française. Quelques semaines plus tard, il reçoit un message de cette école :

« Vous avez réussi le test de placement et vous avez atteint le niveau intermédiaire. » Etonnement, incrédulité malicieuse !

Puis le message se poursuit :

« Dans 3 mois et 3 semaines, vous êtes convié à un entretien de routine pour vérifier vos compétences à l’oral et pour nous démontrer votre motivation pour intégrer cette école. »

Angoisse, stress concrètement, ça veut dire que dans exactement 3 mois et 3 semaines, il serait dans une pièce, seul face à un Français qui le jugera et avec qui il devra parle pendant 15 minutes non stop, juste pour vérifier que le niveau qu’on lui a affecté est bien correct, et qu’il n’a pas fait des choses idiotes comme par exemple tricher dans le test de placement. Alors qu’il n’a jamais rencontré de francophones de sa vie et qu’il n’a aucune notion de français.

Il a paniqué et s’est rué sur internet, parce que c’est ce que tout le monde fait pour avoir des réponses sur à peu près tout. …

… 3 mois et 3 semaines plus tard, il est sorti de cette salle scotché par le résultat : il comprenait tout ce que son interlocuteur lui disait et il a parlé sans réfléchir…Bilan : « mm, c’est étrange, voyez vous, votre test indique « niveau intermédiaire », mais vous allez vous ennuyer à ce niveau, je vais vous inscrire en avancé ! «   Mais quelle était donc sa méthode miracle ? 

Pas de miracle mais de l'intelligence pratique

Il existe plusieurs méthodes d’apprentissage: 

Le problème le plus ennuyeux avec la liste, à part son petit côté soporifique (si si je t’ ai vu piquer du nez sur la liste, hier soir) c’est qu’elle s’appuie souvent sur la traduction. Or, la traduction, quant à elle, est très compliquée, c’est un art et une compétence qui requiert des capacités immenses et une maitrise déjà très avancée des 2 langues, une expertise et une aisance. Il faut être vraiment bon dans une langue pour en être capable. Mais tu n’as pas besoin d’être aussi bon dans une langue pour pouvoir penser dans cette langue et la parler.

Il est évident que NE PAS traduire est un moyen plus efficace pour apprendre.

Donner de la VIE aux mots!

Mais au-delà de la communication directe, il existe une méthode imparable : la visualisation.

La visualisation est incomparablement plus efficace sur la longue durée : pas rébarbative,  fun, elle utilise l’imagination, mobilise les sens et est basé sur les neurosciences.

La mémoire est fascinante ; ce n’est pas un système de stockage figé mais un jeu d’association, un réseau interconnecté entre plusieurs expériences personnelles qu’il est bon de savoir faire jouer ensemble.

-les expériences sensorielles : le toucher, le goût, la chaleur..

-le contenu émotionnel (dégout, colère, excitation)

-ton vécu, ton histoire: contextualiser dans une phrase, dans une atmosphère

Il est des gens qui expriment avec une déconcertante évidence et simplicité remarquable ce qu’on a toujours su et qu’on ne s’est jamais vraiment avoué. C’est ainsi que des paroles de sagesse peuvent faire surface et me marquent particulièrement. Comme le dit très bien mon cher ami, ancien bienveillant maitre-nageur de son état: « la seule réelle manière d’apprendre à nager, c’est de plonger »

Si tu veux apprendre une langue efficacement, tu as besoin de donner VIE à cette langue.

Bannissez la mémorisation. Apprenez par le contexte vécu !

C’est comme cela que fonctionne le cerveau.

Les mots ne sont pas des êtres secs et froids, ils ont besoin d’être mastiqués, ils ont besoin d’être sentis, ils ont besoin d’être touchés, ils ont besoin d’être chantés, peints. On doit danser avec les mots, les mettre sur la table, les cueillir : ils doivent se laisser couper en rondelles, griller, malaxer, cuisiner aux petits oignons. Il faut FAIRE des choses avec les mots pour qu’ils prennent sens pour toi. 

partager :

Facebook
Twitter
Pinterest
LinkedIn

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On Key

Ca pourrait vous intéresser aussi...

Voyage en langues!

Ouvre des mondes avec les mots des autres! Suis les aventures de Zéphiron, notre chat pitre explorateur dans l’univers des

Quand tu joues ta vie…

Du dynamisme entre les neurones        ou    Comment se mettre en mouvement pour mieux penser Le travail

Chez soi comme ailleurs

« D’où viens-tu ? » Anodine, cette question ? A en croire le réflexe défensif avec lequel certains y répondent,

Mascarade du bonheur

Du rire à l’inquiétude Le clown a le cœur gros derrière son sourire angélique. Il nettoie sa peine et se

Retour en haut