C’était il y a bien longtemps, Juste avant l’Avent

De toutes nos années d’école, de quoi vous-rappelez-vous le plus?

En ce qui me concerne, ce qui me revient immédiatement à l’esprit, ce sont les petites anecdotes. Quand les professeurs nous offrent cet instant d’intimité unique par lequel on entre dans leur bulle, par lequel on devient complice de leur univers. Et une salle de classe ne sera jamais aussi silencieuse que dans ces moments-là, où toutes les attentions sont à ce point captivées, comme dans un temps suspendu. On aime tellement quand on nous raconte des histoires, mais …quand ce sont des vraies, quel délice!  C’est comme un cadeau bonus, une expérience personnelle, ou un petit plus qui fait toute la différence et qui rend le moment si spécial.

Je me souviens en particulier d’un ancien prof de latin de khâgne, d’ordinaire plutôt professoral, fidèle à l’enseignement de Jules Ferry, classique, strict et normé, séparant drastiquement ce qui relevait de la sphère publique et ce qui devait rester confiné à la vie personnelle. Ce même enseignant qui un jour -ce devait probablement être au détour d’une traduction de la Guerre des Gaules, de Jules César-  nous a raconté avec une malice puérile que durant son enfance, il s’était longtemps demandé pourquoi la Gaule (l’ancien territoire français) et le président De Gaulle ne partageaient pas la même orthographe! Dans la tête du petit garçon qu’il était alors, cette distinction orthographique devait paraitre illogique et l’aberration totalement absurde… Bien sûr, nous avions tous souri de tendresse face à cet innocent aveu, d’autant plus que ce dernier était inattendu. Si nous avons réagi avec empathie et affection, c’est que cela faisait écho à nos propres réflexions enfantines que nous n’avions parfois jamais formulées. Qui ne s’est pas effectivement un jour étourdi devant cette observation ?! De Gaulle, en voilà un qui n’avait pas raté sa vocation! Comment en aurait-il pu en être autrement?

En ce qui me concerne, je me suis longtemps demandé, dans ma première décennie d’existence, pourquoi l’Avent, cette période de 24 jours qui semble interminable à nos chers bambins, s’écrivait avec un E et non un A. Mystère ! On ne savait pourtant que trop qu’il nous fallait attendre et qui dit attendre, dit que ce temps est AVANT l’objet de notre désir! Et c’était sans compter que dans mes premières années d’écriture, les sons AN et EN s’amusaient à me taquiner constamment: je rencontrais quelques difficultés à choisir entre les deux dans les mots d’usage courants: malgré mes efforts, bien « souvEnt » (A ou E?), je me laissais pourtAnt (A ou E?) prendre au piège de ces mots espiègles. Lequel choisir? Un A -cette lettre sombre qui m’avait l’air plus sérieux et protocolaire, ou un E – une lettre quant à elle d’humeur plus gaie, plus frivole et plus lumineuse, dans mon imagination légèrement synesthésique d’alors? Comment savoir quel était le tempérament du mot: devait-il ressembler à un policier en uniforme (un A) ou à une actrice en Une de magazine (un E)? Bref entre les deux, mon coeur balançait.

L’Avent, donc, ce mystère encore plus énigmatique restait pour moi à élucider. Et vous, vous êtes-vous déjà laissés intrigués par cette curiosité? Eh bien, mon très cher professeur de latin aurait pu étancher ma soif de logique puisque bien sûr, toute chose trouvant sa cause dans ses origines… Nous voilà donc repartis sur les routes romaines, à la recherche du mot latin originel. Et au détour d’un chemin de traverse, il nous apparait, tout petit, dans une crèche, blotti entre le boeuf et l’âne: « adventus ». C’est la venue, l’avènement; ici il s’agit de l’arrivée de Jésus, bien évidemment, vous l’aurez compris. Il ne vous aura pas échappé non plus qu’ « adventus » porte un E. Et dans mon esprit d’enfant, tout reprend sa logique: tandis que l’attente est ennuyeuse, il est normal qu’AVANT porte un sombre A morose et pas rigolo; à l’inverse, cet avènement est une fête, après tout, une fête religieuse. Et qui dit fête, dit joie! Voilà qui met donc de la gaité dans notre AvEnt! 😉 Il suffisait de remonter aux sources pour que tout s’éclaire et devienne un jeu, avec, en prime, un voyage dans la machine à remonter le temps. Quoi de plus stimulant, pour un enfant, que de donner du sens aux apprentissages !?

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