Ah, le charme typique de ces petites ruelles médiévales niçoises.. ah, le cachet authentique de la cité corsaire de Saint Malo… Quand l’histoire vient se cacher dans les rideaux de la salle de l’Olympia, entre les pierres de la brasserie du Fouquet’s ou du « palais idéal » du facteur Cheval, on se croirait presque cotoyer l’époque où l’on y menait grand train. On peut entretenir une relation familière et personnelle avec le passé, apprendre à l’aimer de façon plus concrète que dans les livres sèchement scolaires. 

On peut même se trouver subjugué d’émotions devant cette inertie calme du monument historique, qui survit inexorablement aux évolutions, aux révolutions, et qui traverse le temps, impassible, en le narguant presque. L’incendie de Notre Dame de Paris ne a-t-il pas trop bien démontré à quel point nous sommes intimement attachés à ces traces. Celles qui restent, comme témoins de ce que nos ancêtres ont vécu et bâti.  Un legs qui nous rend à la fois reconnaissants et bêtement émus devant la contemplation du temps qui passe.

Tu penses que des photos et des témoignages, c’est bien suffisant ; qu’on devrait plutôt détruire ce qui ne rapporte rien, ce qui n’est plus fonctionnel ou utile, pour faire de la place ? Tu te dis que le baron Hausmann l’a bien fait, lui, et aujourd’hui, pour aérer la cité et aménager des espaces plus commodes : on contemple aujourd’hui le résultat et on l’admire comme un chef d’œuvre architectural. Alors pourquoi pas ? Essaie donc de construire un gratte-ciel au centre des arènes de Lutèce, sur toi on jettera l’opprobre. Victor Hugo déjà avait tiré la sonnette d’alarme : Faire la « guerre aux démolisseurs », tel était son mot d’ordre. C’est vrai que ça devait vous arracher les larmes des yeux de voir s’effondrer systématiquement les monuments du Moyen Age sous les ordres aveugles des notables locaux, avides d’y gagner au change. Comment ne pas y être insensible ?  Le célèbre homme de lettre engagé exigeait  « une loi pour les monuments, […], une loi pour l’histoire, une loi pour l’irréparable qu’on détruit, une loi pour ce qu’une nation a de plus sacré après l’avenir, une loi pour le passé… ». L’idée de patrimonialiser a fait son chemin tout au long du XIXe siècle avant que l’écrivain Prosper Mérimée entreprenne un premier classement des monuments à sauver dans un registre qui portera son nom jusqu’à aujourd’hui.

Mais c’est en 1913, un 31 décembre, que la loi sur la  conservation des monuments de valeur historique ou artistique met un point d’honneur à ce long combat pour sauver le passé de sa disparition physique. Le château de Versailles ou le palais du Luxembourg deviennent protégés : ils ne pourront être détruits, même en partie, ou restaurés qu’avec le consentement de l’Etat. Mais on ne s’arrête pas là : faisant fi du droit de propriété, même les monuments privés dignes d’intérêt patrimonial sont soumis à ce contrôle. Puis, puisqu’un monument ne serait rien sans son écrin, une vigilance protectrice est rapidement de mise 500mètres autour de celui-ci.

Que ne ferait-on pas pour protéger son passé ? Le monument : N’est-ce pas le meilleur moyen de revenir aux sources ? Après tout, le monument latin, « Monumentum », ne vient-il du verbe « moneo » qui signifie se remémorer.

En passant, c’est l’occasion d’aller jeter un coup d’œil à tous ces monuments protégés par ici, on aime tellement nos vieilles pierres qu’il y en a pléthore.

> Mais comment conserver au mieux un monument sans trahir son passé ?

Ca, c’est à toi d’y réfléchir !

Les aléas du temps laissent des traces sur les matériaux des monuments : les pierres s’effritent, les fontaines verdissent, etc.

> Vaut-il mieux entretenir et restorer pour que le monument garde son aspect originel ou est-il préférable de le conserver tel quel sans intervenir, quels que soient les aléas qui surviennent et qui le dégradent ?

> Si tu remplaces une porte vermoulue ou un mur abimé en construisant un substitut à cette porte ou à ce mur, exactement à l’identique, est-ce que ce sera encore le même monument ?

Imaginons que, sous prétexte de le conserver, au fil des ans, après de nombreuses tempêtes, plusieurs générations successives remplacent tous les éléments du monument par des nouveaux éléments neufs exactement semblables, les uns après les autres. Est-ce qu’à la fin, ce sera encore le même monument ou bien un nouveau ? Si tu penses qu’à la fin, c’est un nouveau monument, pourrais-tu évaluer à partir de quand il devient un nouveau monument ?

(Cf. expérience de philo pour enfants : « Le bateau de Thesée »*)

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